Taxe Caïman 2.1 : Six coups sur le Caïman

Analyse de l’arrêt de la Cour Constitutionnelle n° 117/2025 du 18/09/2025


1. La loi-programme du 22 décembre 2023 a introduit une règle considérant les organismes de placement collectif détenus à plus de 50 % par une famille comme des constructions juridiques visées par la taxe Caïman alors que précédemment il suffisait que le fonds compte certains actionnaires n’appartenant pas à la famille, sans exigence de pourcentage. La Cour a estimé que la preuve contraire pouvait être apportée, si la participation de tiers dans un OPC à concurrence de moins de 50 % ne reposait pas sur un motif purement fiscal et que l’OPC n’était dès lors pas une construction juridique faute d’abus fiscal.

2. La loi avait décidé que, lorsqu’une société belge contrôle une « société étrangère contrôlée » (CFC) et est imposée sur ses revenus passifs non distribués, la taxe Caïman ne s’appliquerait pas. Toutefois, elle s’appliquait si la société détenant la CFC était une société étrangère même si celle-ci était également imposée en application de règles CFC locales. La Cour annule cette disposition, notamment parce qu’elle constitue une entrave à la liberté d’établissement et à la liberté de circulation des capitaux.

3. La taxe Caïman ne s’applique pas si la construction juridique a une activité substantielle. La loi nouvelle définissait cette activité substantielle comme consistant en l’offre de biens ou services à un marché déterminé. La Cour annule cette disposition comme produisant des effets disproportionnés et excluant notamment les sociétés holdings et les sociétés de gestion d’actifs. En revanche reste exclue l’activité de simple gestion du patrimoine privé du fondateur. La Cour a constaté que, dans le domaine des aides d’Etat dont s’est inspiré le législateur selon les travaux préparatoires, la liberté de circulation n’était pas limitée à ce type restreint d’activité économique.

4. La Cour ne voit pas d’obstacle à la nouvelle imposition à la sortie en cas d’apport à une autre construction juridique, de transfert de résidence à l’étranger ou de transfert du siège de la fortune à l’étranger. Toutefois, l’imposition ne peut pas porter sur des bénéfices qui ont été réalisés par la construction juridique alors que le fondateur avait sa résidence ou le siège de sa fortune à l’étranger, ce qui rendrait imposables des bénéfices qui ont été réalisés à une époque totalement détachée d’un rattachement avec la Belgique.

5. Classiquement, il était demandé à la Cour de maintenir les effets de dispositions annulées jusqu’à sa décision. Contrairement à ce qu’elle fait d’habitude, la Cour a refusé constatant que l’annulation n’était pas d’une ampleur telle qu’un maintien des effets de la loi annulée serait nécessaire.

Jugement du Tribunal de première instance de Louvain du 7 février 2025
(RG 21/1625/A)

L’administration soutenait que la taxe Caïman ne pouvait pas être contraire aux conventions internationales parce que les revenus de la construction juridique constituaient des revenus innomés et non des bénéfices dont l’imposition est conservée par la Convention à l’Etat de résidence d’une société. Le Tribunal considère à propos de la Convention Belgique – Hong-Kong que les revenus en question sont des bénéfices et relève d’ailleurs que la Convention attribue généralement le pouvoir d’imposition des revenus innomés également à l’Etat de résidence. On notera que le Conseil d’Etat français a rendu une décision en sens contraire (13 mars 2025, Société Rubis, Recueil Lebon : SI:2-2025, n° 9, § 26) dans l’application des articles 209,b) du Code général des Impôts français, prévoyant également la transparence. Le Code français avait requalifié les revenus non distribués d’une CFC en revenus de capitaux mobiliers pour éviter précisément l’application de l’article conventionnel relatif aux bénéfices (Conseil d’Etat, Schneider Electric, 28 juin 2002).

Jacques Malherbe